Historique:
La croix de malte est un dispositif mécanique permettant de transformer un mouvement de rotation continu en une rotation saccadée.
Son nom provient de sa ressemblance avec la croix de Malte. En anglais ce mécanisme est connu sous le nom "Geneva drive" (de la ville de Genève).
Inventé en 1896 par Jules Carpentier pour les appareils cinématographiques des frères Lumière, ce dispositif à été perfectionné.
Il est notamment utilisé dans les projecteurs de cinéma pour l'avance de la pellicule dont chaque image doit s'arrêter devant la lampe, et les compteurs mécaniques où il permet l'alignement des chiffres.
On retrouve également ce mécanisme dans des automates qui nécessitent des phases d'immobilisation lors du processus.
Fonctionnement:
Un disque tourne avec une vitesse uniforme, et porte un doigt. Quand ce doigt pénètre dans une rainure de la croix de malte il provoque sa rotation d'un nième de tour, n étant le nombre de rainures de la croix.
Quand le doigt sort de la rainure, le disque moteur continue sa rotation alors que la croix de malte s'immobilise.
L'évidement du disque moteur permet de stabiliser la croix quand le doigt n'est pas engagé dans une rainure.
-Il existe deux variantes : la croix de Malte interne, et la croix de Malte sphérique, « en tulipe » (système à axes concourants).
- Dans le cas de la croix de Malte interne, l'axe moteur (portant la roue menante) est montée sur un arbre en porte-à-faux (en cantilever, il n'est tenu que d'un côté).L'arbre est donc plus sensible à la flexion, ce qui peut poser un problème si la charge est importante. Par ailleurs, le temps d'entraînement est supérieur à une demi-période : il faut plus d'un demi-tour de roue menante pour faire tourner la roue menée d'un incrément. La durée d'entraînement (temps moteur) est donc supérieure à la durée de repos, contrairement à une croix de Malte externe. Par conséquent, l'accélération maximale est plus faible, mais présente toujours des discontinuités en début et fin de mouvement.
- Dans le cas de la croix de Malte sphérique, l'arbre doit également être en porte-à-faux. Le temps d'entraînement est d'une demi-période ; la durée d'entraînement est égale à la durée de repos
Étude mécanique:
A. Contraintes géométriques:
Le point critique du fonctionnement est le moment où le doigt entre dans la rainure. Cela impose une relation entre le rayon de la manivelle R, c'est-à-dire la distance entre le centre du doigt et le centre de la roue menante qui le supporte, et l'entraxe E, c'est-à-dire la distance entre le centre de la roue menante et le centre de la croix de Malte. Pour qu'il n'y ait pas de choc, le vecteur vitesse doit être dans l'axe de la rainure.>
On appelle α la moitié de l'angle de rotation de la roue menée par tour de roue menante:
(en radians)
soit α = π/4 = 45° pour quatre rainures, et α = π/6 = 30° pour six rainures. On a alors les relations suivantes entre l'entraxe E, le rayon de la roue menante R1 et le rayon de la roue menée R2 :
Entre 0 et π/4 (0 et 90°), la fonction sinus est croissante et la fonction cosinus est décroissante en α. On en déduit que pour un entraxe donne, plus on a de rainures (plus n est grand), plus α est petit donc plus R1 est petit et plus R2 est grand.
Par ailleurs, la largeur nominale de la rainure doit être égale au diamètre nominal 2r du doigt : plus petite, le doigt ne pourrait pas entrer, trop grande, il y aurait un choc.
Dans la pratique, il existe un jeu : la rainure doit être légèrement plus large que le doigt pour permettre le mouvement. On peut utiliser un ajustement dit « glissant sans jeu », ou plus précisément « guidage précis », noté H7/g6, pour limiter les chocs, mas celui-ci coûte cher à réaliser.
B. Etude cinématiqe:
On suppose que la roue menante (manivelle) tourne avec une vitesse angulaire ω constante (mouvement de rotation uniforme). La figure ci-contre représente le mécanisme en cours de fonctionnement. Si l'on note comme précédemment
- n le nombre de rainures que comporte la croix de Malte (roue menée) ;
- α = 2π/n l'angle entre deux rainures
et que l'on introduit le rapport
alors on relève que:
- la vitesse angulaire maximale de la roue menée vaut:
- l'accélération angulaire maximale vaut, selon le nombre de rainures :
n = 4 : α0 = 3,82 × ω2,
n = 6 : α0 = 0,375 × ω2,
n = 8 : α0 = 0,268 × ω2 ;
- l'accélération angulaire initiale et finale ne sont pas nulles, ce qui signifie que la roue menée subit des à-coups angulaires infinis (diracs), dans la pratique limités par l'élasticité et les frottements du système.
Ces pics d'à-coup ne posent pas de problème tant que l'on reste dans des vitesses et des inerties faibles. Ils deviennent par contre rédhibitoires pour des systèmes à haute cadence et à forte charges.
C. Application numérique:
Considérons un projecteur de cinéma muni d'une croix de Malte à quatre rainures. Nous avons donc :
- une fréquence de rotation de la roue menante N = 24 Hz (24 images par seconde), soit ω = 2πN = 151 rad/s ;
- un rapport valant k = 1/sin(π/4) = √2 = 1,41 ;
et donc
- ω0 = 364 rad/s ; N0 = 57,9 tr/s ;
- α0 = 8,69 × 104 rad/s2.
Croix de malte